Californie du Nord

Fin de la récréation

De South Lake Tahoe à Sierra City.

Après cette étape, j’aurais dépassé les 1100 km cumulés.

Le PCT change de visage après South Lake Tahoe. Le statistiques de 2017 indiquent que la moitié des abandons ont lieu dans les 2 premières semaines du trail (de 3000 a 1500 personnes). La moitié de ceux qui restent, quittent le trail après South Lake Tahoe (800 personnes). 400 finiront au Canada. Les raisons ? L’usure mentale, physique, le manque de moyens économiques. Sans doute aussi parce que les paysages sont censés être moins spectaculaires.

Le PCT est vraiment difficile, on s’en rend compte effectivement à ce moment là. Les journées de 10 heures de marche s’enchaînent. Les paysages se répètent un peu, et ne parviennent plus vraiment à faire oublier la fatigue et l’usure des kilomètres. Je peux le mesurer : je prends moins de photos. C’est toujours naturel et sauvage, mais c’est souvent déjà vu. Restent ces passages ouverts sur les crêtes, uniques. Les vues se dégagent, le chemin se lit sur des kilomètres, on a l’impression de flotter. J’ai sans doute aussi moins de lucidité, d’observation, je me concentre sur le prioritaire. La fumée résiduelle de feux de forêt lointains vient gâcher la lumière, et le moral avec. Quand au dénivelé, il est moindre mais reste copieux. Les orages sont à surveiller également.

On calcule le temps qu’il reste jusqu’au Canada, et on se rend compte qui ne faut plus trop traîner en ville, sous peine d’arriver sous la neige et le froid au nord, voire de ne pas arriver du tout. Les « zéros » (jours off) deviennent un luxe. Le PCT n’est pas compatible avec la randonnée insouciante. Il faut avancer chaque jour, sous peine de voir fondre ses chances de toucher au but. Les jours de repos coûtent cher, et les blessures deviennent presque éliminatoires.

Pour completer le tout, les randonneurs se font plus rares sur cette partie du sentier, moins réputée que la portion des sierras, en particulier celle partagée avec le JMT (John Muir Trail). Les abandons de nombreux marcheurs du PCT se perçoit aux haltes et lieux normalement bien garnis. La solitude se fait ressentir, il n’est pas rare de ne croiser personne pendant une demi journée. Les groupes de marcheurs ont éclaté, nombreux sont orphelins de leurs partenaires. Les fêtes aux étapes se raréfient.

Chez ceux qui restent, on ressent cette détermination rationnelle, ce sens de la discipline, de la régularité, et une capacité bluffante à abattre froidement les kilomètres. Ils démarrent tôt, finissent tard. Je me fais doubler par des marcheurs qui dépassent parfois les 50 km quotidiens. Ce qui représente, au minimum, 12h de marche par jour. L’ambiance reste bonne, mais ça rigole un peu moins. On a même pas fait la moitié du tracé, et tout le monde est dans le vif du sujet.

Pour ma part, j’ai un petit mois de marche de moins que la plupart de mes compagnons de route (700km de moins). J’ai vraiment de l’admiration pour eux. En particulier les femmes, nombreuses et très rapides, mais pénalisées par un poids de sac quasi identique à celui des hommes.

Malgré tout, tout le monde garde le sourire et je rencontre tous les jours de nouvelles têtes. Les gens sont toujours aussi ouverts, prêts à discuter. En fait, l’effet de filtre du chemin joue à plein. Ceux qui sont là sont des sérieux, les touristes sont partis. À ce stade, j’ai le plaisir de rencontrer de marcheurs charmants, profonds, pleins de volonté et d’énergie positive. Ce qui est précieux dans les mauvais jours, dans les bivouacs tardifs, les portions longues en solitaire. Les randonneurs à la journée, plus rares, sont aussi des passionnés, et plus que sur d’autres sections réputées, ils sont ouverts à la discussion.

Pour le reste, les heures seul sur le chemin, on serre les dents, et on fait en sorte t’apprécier le moment. Ce qui n’est pas toujours possible, mais de toute façon il n’y a pas le choix !

Je précise que les photos suivantes sont les quelques exceptions non révélatrices de journées passées majoritairement au fond de la mine, c’est à dire de la forêt 😉

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