Tehachapi
Cette ville au nom étrange (car provenant sûrement des amérindiens) est une étape importante du PCT. Elle permet de se ravitailler en eau, nourriture, et de se reposer avant d’attaquer la dernière étape du désert (250 kilomètres quand même).
C’est une ville dite « hiker friendly », c’est à dire que les restaurants et hôtels pratiquent des tarifs préférentiels pour les PCTers et qu’il y a un réseau fourni de trail Angels. Un coup de fil, et ces derniers viennent vous ramener à la ville ou au chemin en voiture, ils vous logent/nourrissent/blanchissent gratuitement et généreusement. Après avoir fait mes courses aujourd’hui, je marchais le long de la route et une voiture a spontanément fait demi tour, s’est arrêtée et m’a proposé de m’emmener ou je le souhaitais ! Dans cette Amérique très libérale, ou l’état est en retrait sur le plan social, en particulier dans les petites villes, les américains font preuve d’une vitalité étonnante contrebalancer cela et créer du lien, aider les autres, s’entraider. C’est aussi la culture de « l’outdoor » qui transparaît, avec cette passion du camping, de la nature, et des sports qui y sont liés.
Nombreux sont ceux qui connaissent le pct, et un « thru hiker » (celui qui fait le PCT de bout en bout) est facilement reconnaissable en ville : chaussures de trail basses usées, chaussettes basses, short court, doudoune ou Chemise à manche longue, casquette et lunettes de soleil, bâtons de marche et sac très contenu. Souvent, le thru hiker doit faire sa lessive. Le temps que ses affaires sèchent, il doit en mettre d’autres vêtements mais il n’en a plus, car son rechange se limite souvent à un sous vêtement et une paire de chaussettes. On voit donc se promener des gens en pantalon et veste de pluie par 35 degrés.
J’ai retrouvé dans cette ville de nombreuses personnes croisés depuis une semaine. Dont deux français de Clermont Ferrand, clement et Edwige, qui sont à l’image des autres marcheurs, super sympas et ouverts. C’est assez agréable de faire passer certaines nuances et de se « reposer » un peu a parler en français. C’est vraiment amusant de les revoir tous, c’est un peu la famille. Il y a d’ailleurs un nom pour ça, la « tramily » (abréviation de « Trail » et de « family ». Du coup, un dîner informel est organisé au sushi de la ville (oui, un sushi en plein désert de Mojave).
Puis l’un d’entre eux, le surnommé « pizza » se dévoue pour sacrifier sa chambre d’hôtel, et une soirée est improvisée ensuite. Je comprends que certains aient des problèmes musculaires et tendineux après des soirées aussi arrosées. En dehors du fait qu’ils se « nourrissent » de chips, bonbons et autres saloperies sont les magasins regorgent. Et qu’ils ne s’étirent jamais.
Une tradition consiste à ce que les thru hikers se donnent des surnoms, les « trail names ». Ils font référence à une anecdote, un trait de personnalité, une habitude … plus c’est absurde, original et court, mieux c’est. Par exemple : Pizza, Long Spoon, Shit Ticket (sic), Metric ton, Hobo, Turtle, Daikiri, Clean Turkey, Gnocchi, Splifford, Bad apple, El chapo, etc. (Photo ci-dessous avec une partie des trail names de 2018). Il faut en outre que ce surnom vous soit donné, il n’est pas bien vu d’inventer le vôtre. Certains n’en n’ont pas, car trop récents (mon cas). Ou d’autres s’en sont vu attribués, mais ça ne leur plait pas.
La suite du parcours après Tehachapi est la partie la plus sèche du PCT, ce qui veut dire que les sources sont très éloignées et qu’il faut porter beaucoup d’eau, jusqu’à 6 litres, voire plus. Tehachapi était à l’origine mon point de départ, mais j’ai préféré commencer plus soft avec des étapes plus courtes et plus denses en ravitaillements en bouffe et eau. Je pense que c’était la bonne décision, car une erreur, un oubli sur 5 jours de marche en autonomie peut être vraiment dangereux. Un petit rodage des jambes est pas plus mal non plus. J’ai une balise GPS pour alerter les secours si besoin, mais je le tiens pas vraiment à l’utiliser.
Pour l’instant, parti d’Agua Dulce, je monte vers le canada. Si tout se passe bien, je reviendrais faire la dernière étape, celle entre Agua Dulce et le Mexique (450 miles), quand les températures seront plus douces, en octobre.
C’est donc parti pour encore de belles étapes jusqu’à Onyx et lake Isabella ou Ridgecrest, pour faire un réassort. Puis ce sera Kennedy Meadows, la porte de la Sierra Nevada, les hautes montagnes où le paysage change radicalement : Forêts, rivières, lacs, granit, et de la neige au dessus de 3000m en perspective.