Gastronomie
Aujourd’hui , le chef vous propose :
Petit déjeuner :
Généreuse crème aux noisettes et chocolat à l’huile de palme, fourrée au cœur de sa galette mexicaine dite « tortilla » à base de blé transgénique.
Café pur arabica commerce inéquitable, généreusement torréfié à sec, lyophilisé avec soin et allongé délicatement dans son eau saumâtre et tiède.
Déjeuner :
Ballotin de Porc broyé, séché et salé, subtilement agrémenté d’épices, coupé en délicates lamelles, mis en valeur sur une belle galette de blé roulée sous des doigts d’une hygiène et d’une dextérité rares.
Le mot du chef : « j’ai cherché à respecter le produit au maximum, à rester sur l’authenticité et les valeurs de terroir. On est sur un porc élevé aux glands de chêne, d’IGP farouchement limitée, travaillé en deux façons : gras et maigre associés. Les arômes de la viande peuvent ainsi se développer et laisser deviner une belle complexité, le gras apportant toute la rondeur nécessaire à l’équilibre, contrebalançant une tortilla plus austère, que les palais les moins exercés pourraient manquer d’apprécier à sa juste mesure. Un croissant au jambon à la façon de maître restaurateur Neyret aurait avantageusement proposé une alternative crédible à ce plat, mais malheureusement, le contexte interdit de se procurer les ingrédients de ce mets d’exception »
Dîner :
Délicats cheveux d’ange de blé mou garanti 100% OGM, cuits dans leur bouillon artificiel de poulet de batterie chinois, rehaussée d’une épice secrète du chef, dite « ring of fire », que ne renierait pas maître Pierre LF.
Le mot du chef : « la encore, j’ai mis tout mon savoir faire, avec une belle association de goûts qui permet de laisser le terroir s’exprimer. On reste sur le produit, on travaille sur la fraîcheur, le végétal (blé mou) s’associe harmonieusement à l’animal (poulet fluo) pour produire ce plat d’une finesse difficile à égaler. J’aime la spontanéité de ce plat, la rapidité de sa mise en place tranche avec le voyage sensoriel qu’il propose. On en a souvent un souvenir ému le lendemain matin, une larme au coin de l’œil venant mettre un point final à cette expérience culinaire extraordinaire ».
Amuse bouches :
Barre snikers : toute la richesse concentrée de l’association du chocolat, du caramel et du cacahuète, dans un tourbillon de calories, de cholestérol et de sucres rapides.
M&Ms : on ne change pas l’équipe qui gagne, l’association du chocolat et de la cacahuète est la bienvenue pour donner au corps les sels minéraux, sucres lents, fibres et les vitamines dont il a tant besoin.
Beef jerky : la rencontre du boeuf aux hormones et d’une subtile marinade au sucre. Là encore, le chef nous étonne et se dépasse en proposant cette association sous une forme plate et séchée. Une texture étonnante qui permet à la subtilité des arômes de donner toute leur puissance organoleptique. Pendant ce temps, les dents se déchaussent, garantissant un plaisir de dégustation incomparable.
Trail mix : Mélange d’oléagineux de toutes sortes, et éventuellement de fruits secs ou de confiseries au chocolat. Tout abus entrainera rapidement quelques dérangements intestinaux.
Mes incontournables
Pour que cet article ne soit pas complètement inutile, voici en complément quelques infos pratiques
Nutella : liquide ou solide selon la température, il a ce même goût puissant et terriblement efficace en toutes circonstances. Certains s’en lassent, pas moi. Il va avec à peu près tout ce qui ressemble à du pain ou une galette, et couvre un arrière goût éventuel (fréquent). Il se conserve parfaitement dans son bocal, qui comble de bonheur est en plastique sur le marché américain (poids, résistance). Attention au pic d’insuline et au malaise en cas de consommation immodérée.
Tortilla : Cette galette est généralement à base de blé ou de maïs. Froide, il n’y a que celle de blé qui soit mangeable. S’associe bien avec le saucisson, le fromage ou le Nutella. Toute les qualités se côtoient, mais il faut reconnaître que cela se mange plutôt bien, surtout les bio. Le goût est souvent neutre, ce qui est un exploit pour de la nourriture américaine. Ah en fait non, c’est mexicain, CQFD. La proximité culturelle et territoriale de la Californie fait qu’on en trouve facilement.
Saucisson : Dit ici « salami » ou « summer sausage ». Il est la plupart du temps introuvable dans une forme mangeable. Heureusement, une marque italoaméricaine, Gallo, en importe du très correct, et se trouve facilement dans les supermarchés, rayons frais, contrairement à ce que j’ai lu sur de nombreux blogs de compatriotes. Il existe en goût chorizo ou rosette. Sauvé ! Il existe en pack tranché ou à couper. Les tranches sont plus chères au kg, mais plus faciles à préparer, conserver et rationner. Le saucisson à les avantages d’être très calorique, de très bien se conserver même à la chaleur, et d’être toujours bon. D’autre part, il apporte le sel qui est bénéfique pour ne pas trop se déshydrater. Je comptais 100g/jour. Comme dirait Romen le sage :
« il faut faire comme les anciens, si les bergers en fabriquent et en mangent, c’est qu’il y a une bonne raison ». Romen, GR54.
fromage : Le complément idéal pour le déjeuner. 100g/jour environ. Malheureusement, les températures élevées et la faiblesse de l’offre des magasins ne m’a pas permis de compter sur un bon compté. Après de longues recherches, le Swiss Cheese de la marque Tillamook remporte le match, car son goût reste très neutre : aux USA en effet, mieux vaut souvent fade que pas bon. Privilégier la version brute, non tranchée : de toute façon, avec la chaleur, les tranches ou le râpé finissent par se souder entre elles.
Nouilles chinoises (ou Ramen) : L’arme absolue pour le diner, voire le déjeuner par temps froid. Le repas presque parfait. Se conserve parfaitement, pas cher, léger, chaud, hydratant, assez calorique, goût et texture correcte, pas de perte d’eau de cuisson (bouillon), consomme peu de gaz, demande très peu de vaisselle. Il suffit de faire bouillir un demi litre d’eau, puis couper le gaz et laisser ramollir les nouilles dedans, en y ajoutant le bouillon en poudre. Deux paquets de 85g tiennent dans mon mug de 550 ml : parfait. Cela reste un repas relativement pauvre en micro nutriments : il faut varier les plaisirs.
Purée : J’ai testé la purée en poudre, qui peut aussi faire office de diner. La marque Idaho est conseillée, même par des vétérans Français du trail. Mais subjectivement, elle n’est vraiment pas bonne, même agrémentée d’huile d’olive, ou de fromage.
Ramen Bomb : De jeunes hikers américains m’ont vanté les mérites de ce merveilleux plat. Prêts à tout pour manger simple, rapide, efficace et calorique, ces aventuriers du goût ont l’audace de mélanger des ramen avec de la purée en poudre. Froid.
« Cold Soaking » (hydratation à froid) : beaucoup de marcheurs, souvent ultra légers, poussent le vice à ne pas réchauffer leur plats. Les aliments possibles sont le fameux « Ramen Bomb », ou simplement du riz, des pâtes, de la semoule, des haricots, ou tout repas déshydraté. Ils laissant la mixture sèche se réhydrater, à froid, dans un bocal hermétique, puis le dégustent une à deux heures après, quand ils arrivent au camp. Ils économisent ainsi le poids du gaz et du réchaud, ainsi que le temps de réchauffage. Extrême, peu favorable au métabolisme, et surtout infâme… c’est subjectif bien sûr. Le bocal, léger et indestructible, est généralement l’ancien packaging des glaces Talenti, facilement trouvables dans les magasins américains.
Plats lyophilisés : Plutôt bons, digestes, équilibrés, riches en nutriments et rapides à préparer. Mais chers (8$), lourds (packaging) et pas trouvables partout. Bref, c’est un peu un repas exceptionnel sur le trail. J’en ai fait une consommation régulière le soir, dans les étapes humides et froides du Washington. C’est un vrai réconfort mental et physique, à la fin d’une journée pauvre en récompenses. Rapide à préparer, pas de vaisselle, c’est le plat parfait quand la tempête fait rage. Voire par beau temps si votre budget et stratégie de ravitaillement vous le permet. La marque Mountain House est très bien. Mention spéciale pour la recette Chili mac with beef.
M&M’s : sans doute le snack parfait, en complément de la barre céréale bio. À l’énorme avantage de ne pas fondre par forte chaleur, ou se transformer en béton dans le froid, contrairement à son cousin le snickers.
Beef Jerky : Après maintes itérations et échecs cuisants, j’ai enfin trouvé une marque, « Enjoy », qui propose un produit gustativement intéressant. Cette viande de bœuf émincée, marinée et séchée est particulièrement pratique sur le trail, même si elle reste peu calorique. La marque Enjoy a la bonne idée de limiter les additifs chimiques, et sélectionné des viandes de bonne qualité. Sa marinade est pauvre en sucres et autres produits masquants, contrairement à la quasi totalité de ce que l’on trouve en grande surface.
Baies : n’étant pas très joueur, j’ai limité ma cueillette aux espèces dont j’étais sûr. Myrtilles, Huckelberries, Mûres. C’est tout ce que mes faibles connaissances m’ont permis de ramasser sur le chemin, malheureusement. La dernière section du Washington était également très riche en champignons, mais ma méconnaissance dans ce domaine les a exclu de mon régime alimentaire.
Je précise que ces produits étaient dans mon quotidien, mais qu’il faut absolument les agrémenter d’un maximum de fruits et légumes. On s’expose sinon à de graves carences, et des effets inflammatoires.
Les anglo saxons mangent en général mal : pas d’horaires, pas équilibré, gras, salé, sucré, industriel, froid, se rationnent pour gagner du poids puis se rattraper à l’étape, sautent des repas, mangent en marchant. En ville, ce n’est pas mieux : soda, pizza, bière, frites, burger. Surtout, ils calculent bêtement les calories, avec le sacro saint ratio calories/poids, sans réfléchir à la qualité des calories, ni à leur diversité. Certaines, en effet, sont « creuses », manquent de nutriments, et non métabolisées par l’organisme. Résultat : blessures, fatigue, maladies, baisse de moral.Il est aujourd’hui prouvé que certaines carences en nutriments, le zinc par exemple, favorisent des dépressions. Même sur de nombreux sites français de retours d’expérience, aux repas plus équilibrés, les randonneurs simplifient souvent les calculs en ne comptant que les calories et les grammes.
A l’inverse, j’ai passé quelque jours avec « Bird », au régime vegan, qui avait préparé et déshydraté à l’avance chez elle cinq mois de ravitaillement. Cela lui avait pris six mois. Mais c’est une extrémiste. Et les végétariens, en général, n’arrivent pas à tenir leur régime sur le Trail, ne réussissant pas à absorber suffisamment de calories. Il est vrai que la logistique des ravitaillements est un point compliqué pour les régimes particuliers.
Bref, je finirais par des conseils de bon sens : manger varié, ce que vous aimez, beaucoup, lentement, à heures fixes, des produits simples, et à l’étape, le plus de fruits et légumes possible. Limitez l’alcool et les produits trop difficiles à digérer. Les goûts et quantités évoluent tout au long du chemin. Il ne sert à rien de prévoir ses ravitaillements trop à l’avance.
Terrorisme culinaire
Pour finir en beauté, quelques perles de l’ingéniosité de l’industrie de la bouffe dans les magasins locaux. Ça ne veut pas dire qu’on a pas les mêmes en France. Mais à l’étranger, nous avons une belle capacité d’étonnement. Inutile de préciser que ces merveilleux produits sont restés sur l’étagère.