Passeur de frontière
Cette étape depuis Las Ilas nous plonge dans un passé relativement proche. Le col que nous rejoignons, en pleine forêt, était pratiqué par toutes sortes de réfugiés politiques (le gouvernement catalan sous Franco) de guerre (Juifs, déserteurs, résistants, aviateurs), contrebandiers. Ce n’est pas un col difficile (« col Del Pou de la Neu »), mais on sent le poids de l’histoire.
Le chemin nous emmène en forêt, souvent le long de la frontière espagnole, marquée par un simple fil électrique à bétail. Nous passons d’un côté à l’autre au gré des mouvements du terrain. Il redescend ensuite par une forêt plutôt sèche, de pins, puis de hêtres et de chênes. Il n’y a pas d’eau dans le secteur, et il faut faire attention à notre autonomie.
Nous arrivons enfin à Amélie les Bains, dans la fournaise. C’est une petite station balnéaire sans charme particulier, mais pas désagréable. Nous chargeons les batteries et ravitaillons dans la sympathique épicerie bio de la rue principale, puis repartons sans attendre vers le village de Montbollo, qui domine la ville. Il est bien plus agréable, tranquille, l’air y est plus frais. La montée est raide et la chaleur effroyable. Il a beau être 19h, nous avons une journée (25km) de marche dans les jambes et hâte d’arriver. Parfois, une petite heure de marche peut en paraître dix.
Pour la peine, nous nous offrons une terrasse dans l’adorable petit restaurant du village, au pied d’une vieille église romane parfaitement entretenue. L’établissement est tenu par un cuisinier bourru mais passionné. Son fils assure le service et le tampon avec les clients. L’ambiance est conviviale, nous discutons rando et Catalogne avec des convives venus en voisins. Épuisés, un peu gris et très rassasiés, nous plantons la tente au pied d’un superbe chêne multicentenaire, juste derrière le bâtiment, au bout d’une piste avec vue sur la vallée et la mer, au loin. Rideau.