Le grand départ d’Aga Dulce
Le départ d’Agua Dulce se fait par un temps doux et couvert, assez humide. Pas un chat dans cette petite ville rurale de la californie.
- Positif : il ne fait pas trop chaud.
- Négatif : c’est un peu sinistre.
J’observe des traces de chaussures à crampons le long de la route. C’est bon signe, je suis sur le bon chemin. Personne ne marche le long des routes en temps normal aux États Unis.
Assez rapidement, je suis dans les montagnes , sans aucun signe de civilisation. Je croise après 2h mon premier groupe de randonneurs du PCT qui font une petite pause. Comme je l’attendais, ils sont jeunes, barbus, sales, et amicaux. Il y a un couple d’américains (Cameron et Brielle), un anglais (Ben) et un canadien francophone (Rowan). On repart ensemble mais assez rapidement ils me distancent. Ils ont déjà 450 miles (720km) dans les jambes …!
Je préfère aller doucement, je n’ai pas confiance dans mes genoux. Deux semaines avant, dans le Jura, j’ai été un peu trop vite et j’ai déclenché une douleur que j’ai gardé plus ou moins jusque là. En plus des autres petites blessures plus ou moins bien soignées qui ne demandent qu’à redémarrer ! Surtout sur de longues distances.
En fait, je pense que c’est une façon qu’a le cerveau de focaliser le stress sur un élément particulier. Une façon de dire : « n’y vas pas » ! Cela peut être beaucoup d’autres choses : ais-je assez d’eau ? De nourriture ? Le temps est il stable? Vais-je me perdre ? Rester bloqué par une rivière ? Vais-je croiser du monde ? l’esprit va les passer en revue les unes après les autres, sans arrêt et sans hiérarchiser le risque objectif. Pour dépasser ce genre d’appréhension, il faut les rationaliser, trouver des solutions potentielles aux problèmes et un peu d’inconscience, juste se lancer. On trouve toujours des solutions, même si sur de tels trajets la préparation est primordiale, en particulier sur l’eau. Le fait que ce chemin soit assez fréquenté est une sorte d’assurance. Paradoxalement, le danger est considérablement réduit par le passage régulier d’autres marcheurs. Il y a presque plus de risques sur des randonnées d’un week end en France sur des chemins peu fréquentés, hors saison.
Finalement, après un bon ravitaillement (3 litres) à une petite source en montagne (seul moyen de ravitailler en eau sur près de 30km), je finis par une première nuit en haut d’une colline, et partage mon dîner avec un autre groupe qui campe non loin. La nuit et fraîche et venteuse, mais je dors très bien, protégé dans les arbustes.
Le lendemain, je démarre à 7h et suite le chemin plutôt facile en descente vers Green valley, ou je rejoins la « casa de Luna », un des quelques passages obligés des marcheurs du PCT. L’étape est petite, mais c’est une bonne chose, j’essaye de limiter les km au maximum pour l’instant et me renforcer doucement.