La tarte à la crème du GR20
Le GR20 est un peu une colonie de vacances, une mayonnaise Internationale qui rassemble de nombreux marcheurs plus ou moins préparés. C’est aussi un sentier réputé pour son pittoresque. Du sociologique, de l’esthétique, il n’en fallait pas plus pour me convaincre d’aller confronter le mythe à la réalité. Je ne sais pas trop à quoi m’attendre avec ce chemin. J’ai repoussé au maximum la date de mon départ, pour limiter au maximum les manifestations du péril touristique. Mais je devrais quand même croiser du monde. Des expérimentés, des novices, des ultratrailers, des MULETS (Marcheurs Ultra Lourds et Têtus), des français, des étrangers, des groupes et des solos, des tentes et des refuges. C’est parfois agaçant mais toujours amusant de voir la comédie humaine dérouler son casting.
De plus, le PCT est toujours dans ma tête, et je me réjouis d’approfondir les différences de entre les chemins européens et américains.
En descendant de l’avion, premier contact avec la Corse dans le minuscule aéroport de Figari. Il est 21h, et le dernier bus pour Porto Vecchio est parti à 17h. Pourquoi laisser une navette le soir, quand il n’y a pas de moyen de se loger à moins de 100€ la nuit autour de l’aéroport, et qu’on peut faire marcher le business des taxis (a 90€ la course vers la ville la plus proche) ?
Heureusement, des aspirants au GR rencontrés dans l’avion me proposent de profiter de leur voiture et je me retrouve très vite à Porto Vecchio. Le camping du centre ville est, à 10€ la nuit, l’offre de loin la plus intéressante. Surtout dans la mesure où je suis parti pour camper pendant 10 jours. Bizarrement, j’ai envie de limiter au maximum ma participation au racket organisé local. Je concède quand même une petite mauresque pour me mettre dans l’ambiance des vacances. Et je regrette le sandwich mou avalé dans l’avion, devant les spectaculaires pizzas qui sortent du four à bois.
J’ai choisi de partir du sud vers le nord : du plus facile au plus dur, la meilleure option pour les marcheurs diesel, comme moi. Les 4 dernières étapes sont plutôt escarpées, paraît-il. Et puis, c’est toujours plus amusant de finir sur des sentiers techniques, ça évite de s’endormir de lassitude.
Le lendemain, le temps de rejoindre le départ, la chaleur est déjà là pour m’accueillir. Dernières emplettes à Conca, la ville du départ, et c’est parti, avec mes deux comparses de l’avion de la veille, Thomas et Hervé. L’influence marine est prégnante, pas de vent : je me retrouve en nage en 20 minutes. J’aime bien la chaleur, mais l’humidité rend l’épreuve difficile.
Le chemin monte vite, mais l’altitude n’y change rien : je commence à me dire que mes 2 litres d’eau ne suffiront pas d’ici à la prochaine source. Effectivement, j’arrive à sec et la rivière est bienvenue. Je reprends 3 litres pour finir la (petite) étape du jour. 5h, 5 litres, record battu je pense. Je suis trempé comme rarement. Je n’ai plus un centimètre carré de vêtement sec. Je loue le choix de mon short de running et de ma chemise à séchage express. Je me félicite aussi d’avoir emporté une polaire légère, pour me changer sans prendre froid à la pause déjeuner.
Certains paysages de maquis, de conifères et de granit gris me font penser au Yosemite, ou la face nord du mont San Jacinto. Certaines dalles me rappelle Fontainebleau. Mais l’exclusivité de ce GR et de certains coins de corse, sont les granits roses qui parsèment les reliefs environnants torturés.
J’arrive finalement au premier refuge d’I Paliri. Sur le GR20, pour limiter les impacts de la surfréquentation, le bivouac n’est autorisé qu’autour des refuges. Et il faut s’acquitter de la modique somme de 7€ pour avoir le droit de planter sa propre tente. J’espère que cet argent va à la sauvegarde du parc naturel, mais j’en doute. Mais c’est aussi une bonne chose, pour la préservation des écosystèmes.
J’hésite à continuer car l’orage gronde déjà, dès 15h. Et la prochaine étape, Bavella, m’oblige à dormir en gîte : la promiscuité, l’insalubrité, le bruit et l’odeur des autres, le besoin de réserver, le prix exorbitant me convainc de les éviter au maximum, tant que possible. En fait, seul un méchant orage me pousserait dans ces lieux de damnation.
Finalement, je balaye mes habitudes, et monte le bivouac au cœur de l’après midi. J’ai tout de même ce fond de mauvaise conscience qui doit dater de mes années de classe prépa : la glande est une honte, gloire à la souffrance, vive la performance, celui qui se repose est un lâche. La société capitaliste libérale a instillé dans nos esprits un espèce de masochisme malsain, qui consiste à nous faire croire que la paresse conduit toujours à la perte de l’individu, et que l’autoflagellation est un plaisir. Je m’évertue donc, assis contre mon sapin et une bière à la main, à prouver que le contraire est possible.
Ma démarche est aussi stratégique. Je sais que mes jambes ont besoin de se mettre dans le rythme, et qu’il faut que je leur laisse le temps d’absorber ces premiers dénivelés. Ma forme insolente du PCT est loin, et ces premiers kilomètres ont laissé quelques marques, que je ne veux pas transformer en boulets.
Demain je me lève tôt pour doubler l’étape, et surtout éviter de cohabiter sur une crête avec un gros orage malvenu. La météo et l’approvisionnement en eau passent en tête de liste de ma vigilance sur ce joli tracé.
5 commentaires
Marie Annick Capron
coucou Damien. c’est reparti? effectivement le GR20 est connu. tu dois voir de très belles choses en Corse en cette fin de l’été. tu prévois comment bien de temps pour ce parcours? bon courage et toutes mes pensées
Dam
Bonjour Marie Annick, oui c’est une belle façon de découvrir un visage de la corse : les paysages. Pour la culture et les habitants, on repassera ! J’ai prévu une dizaine de jours.
Marie Annick Capron
les habitants ne tiennent pas tellement à voir des non corses. ça tombe bien. profite bien.
JF et Annick
Bon jour Dam,
PCT, GR …
Bientôt Compostel en plein hiver quand tous les marcheurs seront devant leur cheminée ?
Bon courage.
Tes excellentes photos se font plus rares que sur le PCT
Dam
J’avoue que cette fois-ci, j’ai voulu alléger en ne prenant pas mon appareil photo… et j’avais moins la tête aux photos.
Compostelle je pense pas : trop plat !