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Crapahute au Malcaras

Nous repartons du fond du val de Sorteny, et ne tardons pas à rejoindre la piste, puis la route d’accès au refuge, dans les bois. Nous dépassons le hameau d’El Serrat. Nous arrivons rapidement à la station de ski d’Ordino Arcalis, non loin, sous un agréable soleil. Les seniers sont remplis de randonneurs qui profitent de cette belle journée de fin de mois de juillet. Nous avons parfois du mal à les doubler, car ils n’ont pas toujours le reflexe de laisser passer celui qui va plus vite. Parfois, cela provoque en moi un agacement que je peine à réfrener. C’est le cas ici. Les vaches aussi nous gênent. Elles paissent tranquillement en liberté, parfois sur le chemin, et jettent sur les humains qui tentent de les contourner un regard curieux et paisible. Cette foule bariolée de week end warriors, de familles, de chiens, de traileurs nous distrait un peu, mais rapidement, nous avons hate de les laisser derrière nous. L’étiquette du randonneur est souvent une abstraction par ici. Une grande partie s’est fixée pour objectif de la journée le joli lac dit « Estany Primer », ou alors, pour les plus courageux, « l’Estany del Mig », un peu plus haut. Rapidement, la distance et l’altitude font le tri, et nous atteignons le troisième lac, « Estany de Mès Amunt », dans une relative tranquillité. Il est logique que ce lieu soit prisé : ces lacs sont sertis dans un cirque de roche impressionnant, non loin d’un accès routier qui permet à chacun d’en profiter relativement facilement. Quelques trail runners rapides nous dépassent. En haut du cirque, nous apercevons au loin une plateforme panoramique, posée sur la crête. Les gens s’y pressent, après une courte section de remontée mécanique.

De notre coté, nous sortons du cirque par un raide sentier dans les éboulis, vers le nord. Quand nous débouchons sur le col qui marque la frontière francaise, le Port de l’Abeille (2600m), il n’est pas encore midi, et nous avons grimpé un petit kilomètre de dénivelé positif.

Nous basculons dans une magnifique vallée sauvage, minérale, dominée par le pic de Tristagne, et dépassons les étangs vierges de l’Abeille et de la Goueille.

Les pierriers freinent notre évolutions, mais nous parvenons sans trop peiner à la passe qui donne sur l’étang Fourcat. Il semble profond, glacial, d’un bleu intense, avec ses pourtours abruptes, rocailleux, et l’absence de végétation à cette altitude (2400m).

Sur son flanc de dalle rocheuse est vissé un beau refuge du même nom que l’étang.

Son positionnement dans cet univers hostile en fait une parfaite base de courses en montagne. Nous nous accordons un repas chaud, généreusement servi par les gardiens du batiment. Le refuge est moderne, avec son toit en tôle arrondi, mais bien tenu et accueillant. Nous y recroisons sans trop d’enthousiasme les deux filles, qui décidément tiennent un bon rythme. Mais notre chemin se sépare ici : elles retournent vers le nord, en fond de vallée, vers le GR10, bien plus bas. Le programme de notre après-midi est différent. Nous devons en effet basculer de l’autre côté de la crête, par un itinéraire indiqué sur notre topoguide comme comportant des passages d’escalade.

En effet, au dessus du refuge, la sente se perd dans le relief et remonte franchement dans une petite cheminée entre deux barres rocheuses. La pente doit jauger 40° : chute absolument interdite. Par endroits, il faut ranger les bâtons et s’aider des mains pour assurer la prise. Nous atteignons la crête sans encombres, et la suivons vers le haut quelques centaines de mètres sur un itinéraire très accidenté, compliqué à suivre malgré un balisage correct fait de points de bombe de peinture sur les cailloux. Nous croisons quelques randonneurs qui nous rendent la section un peu plus humaine. Nous passons peu après par une combe encombrée d’énormes blocs et d’un sérieux névé en dévers. La progression devient lente, difficile et précautionneuse. Le pic de Malcaras, qui culmine juste au dessus de nous à près de 2900m, nous toise. Nous n’en n’avons pas fini avec les difficultés : il nous faut gravir un dernier ressaut rocheux, vertical, avant de nous rétablir de nouveau sur la crête. Nous avons de la chance, car le ciel s’est bien couvert, mais reste plutôt stable : il aurait été inconcevable de passer ici par brouillard, pluie, ou orage. En cas de dégradation soudaine, nous aurions été piégés.

De là, nous pouvons découvrir la vallée qui descend vers le nord, les étangs du Picot, sous le pic éponyme. Le chemin passe non loin des lacs. Mais pour les rejoindre, il reste quelques difficultés. Il faut d’abord descendre quelques passages compliqués, parfois équipés de chaines, de cables, et parfois vierges. Nos sacs légers ne nous gênent pas trop, dans ces pas d’escalade vertigineux. Nous croisons deux randonneurs qui semblent éprouvés par la montée et les obstacles. Il leur en reste quelques uns. Nous comprenons leur desarroi, alors que nous descendons. D’habitude, les passages délicats sont concentrés près de la crête, ou du col. Ici, ils sont répartis sur des kilomètres, tout au long de la descente qui longe le versant ouest du Picot. Ils ralentissent franchement notre progression et exigent beaucoup de concentration.

Le jour tombe, et nous dévalons les derniers kilomètres interminables pour rejoindre le lieu de bivouac ciblé pour le soir : l’orri de « ‘Tignalbu » (1790m). A vrai dire, il n’y a pas beaucoup d’endroits pour camper, entre la crête et l’Orri, tant la montagne est accidentée et pentue par ici. Le chemin longe en balcon, sur des kilomètres, le versant abrupt.

Même les étangs du Picot ne nous semblent pas très hospitaliers. Nous sommes donc soulagés à la vue de la cabanne principale de cette petite estive, ou quelques vieux abris en pierre ponctuent la prairie, autour d’un petit torrent. Il y a une fontaine, une zone plate protégée du bétail par des fils electriques (par ici, des chevaux d’élevage), et même une table de pic-nic. Nous nous méfions du bétail dans les Pyrénées, qui a tendance à être trop curieux et tenter de chaparder de la nourriture ou même divers objets. Nous pouvons même tenter de faire sécher quelques affaires dans la cabane moderne attenante, dont le sas d’accès a été laissé ouvert par le gardien absent. C’est sans succès, car rapidement, nous nous faisons engloutir par les nuages et la bruine. La pluie ne tarde pas à crépiter sur la toile de ma vaillante petite tente, et me berce dans un sommeil bien mérité. Le simple fait d’avoir trouvé un endroit plat pour passer une bonne nuit suffit à mon bonheur. La randonnée à ce don de rééduquer le cerveau pour lui faire apprécier les choses simples.

Un commentaire

  • Hélène

    Au top cet article !
    J’espère que tu n’as pas oublié mes nombreux râlements dans ce pierrier interminable où les blocs étaient tous plus gros que moi ! 😉

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