HRP

Canicules Pyrénnéennes

Suite du récite de la HRP / Août 2021

Le matin, le temps est sublime et les vaches ont disparu. Nous nous empressons de nous hydrater au ruisseau en contrebas, le gave de Bious. La nuit n’a pas été si mauvaise, malgré un vent soutenu et un sol quelque peu bosselé. Le sentier qui remonte le versant opposé nous ramène rapidement, à travers les pâturages, au lac Castérau, ou nous prenons un petit déjeuner attendu. Mais rapidement, nous sommes chassés par un troupeau de moutons qui a passé la nuit dans le vallon, et qui prend d’assaut la lisière du lac et la prairie. Nous avons à peine le temps de remballer en catastrophe nos victuailles, craignant une attaque en règle d’ovins en confiance, échaudés par l’agression de la veille. Bien nous en prend, car quelques secondes plus tard, les affreux herbivores sont sur nous, à gueter les reliefs de notre repas, et chercher à améliorer l’ordinaire en fourrant le museau dans nos sacs.

Le pic du midi d’Ossau du refuge d’Ayous
Le pic du midi d’Ossau du col d’Ayous

Notre petit déjeuner écourté, nous prenons la direction du refuge d’Ayous, accompagnés de quelques touristes dont le nombre grandit progressivement. Le petit refuge d’Ayous est confortablement installé près du lac Gentau, autour duquel paissent quelques vaches. La vue sur le pic du midi d’Ossau est fantastique, en cette belle matinée. Nous ne perdons pas trop de temps, et repartons vers le col d’Ayous, le passons sans encombre malgré une crainte que le temps se dégrade, et redescendons brièvement jusqu’à la limite des arbres, à partir de laquelle nous longeons la vallée pour rester en altitude à peu près constante.

Le col Mayou et son ruisseau

La température est en effet accablante, et nous sommes heureux de retrouver la forêt qui nous procure une fraîcheur bienvenue. Le sentier est beaucoup plus calme par ici, peu de randonneurs s’aventurent dans cette vallée envahie de sapins. Le chemin s’étire en serpentins au gré du relief. Le dénivelé est faible, et nous permet d’enquiller les kilomètres sans trop de difficultés. Il faut simplement surveiller l’eau, plutôt rare ici. Nous rejoignons finalement la route d’accès au col du Somport, assez déshydratés et désemparés de constater que la fontaine indiquée sur la carte est désaffectée. Nous ravitaillons finalement dans le fond du ruisseau famélique qui coule non loin d’un sentier souillé de bouses de vaches, non loin de la nationale. Nous commençons à être bien fatigués, mais décidons de pousser encore un peu à travers la forêt, vers le ruisseau d’Espelunguère, ses quelques chalets d’alpage et sa pâture dégagée de la forêt. Nous trouvons un coin plat pour bivouaquer non loin du ruisseau. A la nuit tombée, le faisceau de ma lampe croise deux yeux phosphorescents qui nous observent fixement, non loin, à l’orée du bois. Est-ce un renard, un loup ? « I was observed and unaware » nous dit la chanson de Nick Cave dans la Panthère des Neiges. Ravi de retrouver un peu de sauvage dans ce périple, je sombre dans un sommeil enchanté, après des kilomètres d’une journée haletante et libéré temporairement des aléas des intempéries.

Le lendemain, nous reprenons le chemin sur les hauteurs des crêtes Pyrénéennes, pour une étape qui s’annonce magnifique. Nous cheminons à travers de vastes prairies herbeuses, ou quelques chevaux de Merens nous observent paisiblement passer. Les vautours et les moutons occupent aussi ces larges pentes herbeuses.

Le pic du midi d’Ossau, au loin
chevaux en semi-liberté
Vautour
le long de la frontière

Après quelques kilomètres à longer la frontière côté français, nous plongeons côté Espagnol, dans un vallon vide de civilisation. Un vent violent nous rafraîchit un peu, alors que la chaleur reste accablante. L’eau se fait rare et, une fois de plus, les gourdes se vident rapidement. Je commets l’erreur de ne pas ravitailler dans le petit ruisseau qui coule péniblement de la montagne, pensant le retrouver plus bas. Nous déjeunons comme nous pouvons sur une pente raide, légèrement au-dessus du chemin, en s’abritant du soleil et du vent sous un pauvre sapin qui résiste, on ne sait comment, à la rudesse des conditions. En contrabas s’écoule normalement le Barranco de las Foyas, mais il est à sec. La solitude de cette vallée contraste avec la foule croisée vers Ayous. C’est la gorge sèche et quelque peu incommodé par la déshydratation que l’on s’attèle à la courte mais pénible montée vers le col qui nous permettra de repasser côté Français.

sur le fil des crêtes, sur la frontière. Le Pic d’Anie, au fond.

Nous attendons avec impatience le petit lac qui nous permettra de nous rafraîchir : l’Ibon de Acherito. La montée est difficile, interminable, sous une chaleur oppressante. Par contraste, c’est une petite merveille qui nous attend, dont l’eau fraîche et turquoise nous donne envie de nous baigner après avoir copieusement englouti quelques litres salvateurs. L’endroit attire, à juste titre, quelques randonneurs venus se prélasser sur ses berges. Bien enchâssé dans son cirque rocheux en gradin herbeux, ce lac a un charme particulier.

Ibon de Acherito

Reposés, nous repartons par la crête qui domine le lac, pour passer le col frontalier et basculer en France. Nous longeons le lac d’Ansabère, qui fait pâle figure avec son cousin espagnol. Ses rives vaseuses et son eau verdâtre attirent curieusement de nombreux randonneurs, qui auraient mieux fait de poursuivre quelques kilomètres plus loin vers les flots turquoises que propose le lac d’Acherito. Sans nous retourner, nous poursuivons notre descente dans la magnifique vallée, le long du gave d’Ansabère, dans les pins. La piste qui remonte nous facilite la marche, et nous ne tardons pas à rejoindre un replat pris d’assaut par des vans, des fourgons et des camping-cars. Nous tentons un bivouac près de la rivière, qui s’avère confortable, avec sa petite table de pic-nic.

la vallée d’Ansabère

Le lendemain matin, nous poursuivons vers le bas de la vallée d’Aspe, dans une brume tenace, une embrassade de fraîcheur béarnaise qui préfigure le pays basque ! La dernière grosse bosse de notre périple nous attend : le pic d’Anie.

le pic d’Anie

Ce sommet karstique est un petit symbole : il nous sépare du pays Basque qui promet une météo et une topographie bien différente. C’est aussi la dernière grande section de notre périple. Le karst est un type de calcaire qui rend la roche claire, presque blanche. Les précipitations érodent la roche et créent de profondes crevasses, fissures, qui rendent le chemin sinueux et parfois escarpé, difficile à repérer.

A l’exception du Canigou, nous faisons le choix depuis le début de cette HRP de ne pas monter au sommet des pics emblématiques près desquels nous passons : nous n’avons pas d’équipement d’alpinisme, et surtout pas le temps de faire de tels détours. La vie de salarié a ses avantages, mais impose des contraintes de temps qui ne permettent pas beaucoup de fantaisies autour du sentier. 5 semaines pour boucler les 800 km de la HRP, ce n’est pas grand chose pour un physique d’urbain sédentarisé. Pour réussir notre défi, nous allons à l’efficacité. Mais nous nous promettons de revenir. Ce joli tracé nous permet de découvrir de jolis coins, dans lesquels nous souhaitons revenir. La région du Pic d’Anie en fait partie.

Nous commençons notre ascension par de petites routes goudronnées, près de Lescun. Un paysage de bocage verdoyant se distingue à travers la brume. Nous atteignons rapidement le plateau de Sanchèse, un vaste replat arboré qui apparaît comme un endroit idéal pour planter sa tente, ou garer son van.

Cairns

Le soleil commence à chauffer, nous prenons de l’altitude, et la brume se déchire. Elle dévoile les premiers contreforts karstiques du Massif, sous forme d’aiguilles effilées majestueuses.

le plateau de Sanchèse

Nous passons un premier ressaut escarpé et gagnons sans difficultés les vastes pâturages herbeux au-dessus de la forêt. La brume semble lâcher du terrain, et nous gratifie d’une vue limpide sur la vallée. Mais non : elle nous poursuit à l’assaut du relief.

Nous poursuivons pour atteindre les bergeries de Lagne et d’Anaye, ou des bergères sympathiques nous donnent de l’eau. Sur ces reliefs calcaires, les ruisseaux disparaissent sous le sol, et il faut rester vigilant. Nous partageons quelques anecdotes, elles nous parlent de la vie en estive, du loup bien présent, et de leur troupeau de brebis qui paissent aux alentours, surveillés par d’espiègles et dynamiques chiens de berger.

miam miam
chillout moods

Nous traversons les coteaux recouverts de rustiques rhododendrons vers le nord, et traversons quelques ruisseaux qui nous permettent de faire le plein. Puis nous obliquons à l’ouest, à l’assaut du calcaire mis à nu par les éléments et l’altitude. Le sentier se fraie un chemin entre les blocs qui roulent au bas de la montagne. Nous ne perdons pas le rythme, enchantés de pouvoir profiter de ce paysage qui sera sans doute englouti par les nuées dans quelques heures.

Comme arrivant sur la lune, nous déambulons dans un fracas de roches érodées, sculptées, entre les crevasses et les trous. Le Pic d’Anie apparaît, nous toise de sa hauteur.

Quelques randonneurs partent à l’assaut du sommet. Le chemin s’efface sur ces roches irrégulières, et nous nous égarons plusieurs fois brièvement. Nous finissions par passer le col des Anies, non loin, et prenons un dejeuner bien mérité à l’ombre d’un rocher. Nous redescendons au gré des failles et des replats, et rejoignons les pistes de ski puis les chalets de la station de la Pierre St Martin, notre objectif du jour.

En dépit de notre fatigue, nous l’atteignons relativement tôt, ce qui nous permet de nous installer à la terrasse d’un bar pour siroter un soda. La station principale, vidée de ses skieurs, est particulièrement laide. Une grande barre d’immeuble défigure le paysage, en contrepoint dramatique aux charmants petits chalets qui colonisent un calcaire strié de crevasses et peuplé de sapins. Les magasins sont fermés, les béton a mal vieilli, le lieu semble abandonné. Finalement, la brume finit par nous rattraper et le froid nous cueille. Nous en profitons pour nous réfugier au chaud, et nous préparer à affronter le pays basque dont la météo s’annonce capricieuse.

Le paquebot immonde de la Pierre St Martin

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